Nous sommes allongés sur le dos.
Immobiles.
Ton corps endormi près du mien.
L’inertie de ton corps me rassure.
Dans cette presque mort, il ne se passe rien.
Il ne peut rien se passer
Il ne peut rien arriver.
Il ne peut rien m’arriver quand tu dors.
Je garde les yeux ouverts.
Je garde les yeux grand ouvert.
Jusqu’à ce qu’épuisée je m’assoupisse.
Jamais longtemps
Je reste vigilante.
J’apprécie ta respiration lente, endormie.
Au matin, un rayon se glisse sur ton visage, la chaleur vient éclairer ta joue, j’hésite à me lever pour tirer le rideau.
Je sens ton corps bouger, ta respiration changer de rythme.
Je n’ai pas pu empêcher ton réveil.
J’ai échoué
Tu te rapproches.
Très près. Trop près.
Je sens ton corps se rapprocher davantage.
Se rapprocher dangereusement
Ta peau contre la mienne
Le pan de ma chemise que tu soulèves jusqu’à mi-cuisse.
Ta main que je sens sur ma peau.
Et ton doigt que tu glisses dans ma fente.
Je ne veux pas.
Je ne te le dis pas.
Je prends ta main que je replace sur ton ventre.
Mes cuisses se serrent
Tout en toi m’est devenu insupportable
Tes baisers
Ta main
Ta peau
Ton odeur
Tes cheveux
Ta voix
Tes paroles
Tu ne sais pas me parler
Tu ne sais pas me caresser
Tu ne sais pas me rencontrer
Tu ne sais pas
Tu me bats
Tu ne sais faire que ça.
Me battre et me violer
Je ne vois pas ton regard mais je sais de quoi il est fait
Tes yeux rougis par la colère que je suis venue semer en toi.
J’aimerais aussi pouvoir être en colère
La colère comme une lance me traversant
Elle m’aiderait à crever les parois de cette prison mentale
Oui j’aurai aimé avoir de la colère
C’est ce sentiment que j’ai oublié pour t’appartenir et subir dans mon quotidien l’humiliation jour après jour, l’humiliation d’être
La volonté d’en finir
D’en finir avec toi, avec la douleur
Laisse-moi
Laisse-moi m’en aller
Tu te lèves d’un bond
Tu es comme un fauve dans une cage
Je suis enfermée avec toi dans cette cage
Tu te cognes contre les barreaux de la cage
Contre les limites que je viens de te fixer
Tu ne supportes pas
Tu rugis
Tu me fais part de ta souffrance
Pourquoi me parles-tu de mon enfance ?
Je ne comprends pas
Qui tu es
D’où tu viens
Tes besoins
Tu n’entends pas ma propre souffrance
Tu es ma propre souffrance
A quoi bon, je me tais
Je me terre dans le silence
Je m’enterre
Je m’ensevelis sous les draps
Je suis un corps mort
Désséché
Tu as fait de moi un cadavre
Plus de désir
Plus de jouissance
Plus de rire
Sans vie
Inerte
Un poids mort
Tu fais les cents pas dans la chambre
Je gis dans le lit
Et laisse-moi
Pourquoi ne me laisses-tu pas ?
La volonté d’en finir
Avec toi
Tu ne veux pas
Tu ignores tout de ma détresse
Reste la volonté d’en finir
Simplement
Je disparais en moi
Je me dissous
Seule la douleur reste
Je n’ai plus besoin des coups pour sentir la douleur
La douleur physique
Profonde lancinante
Qui est venue se planter là
Dans mon corps et dans ma tête
Qui est venue germer là
Un bosquet de houx
Tu me frappes ?
Je ne sais pas si tu me frappes
Je crois bien que tu me frappes
Une pluie de coup comme une averse, une déferlante
Mon corps est éteint
Il ne sent rien
Anesthésié dans la douleur
Il est secoué comme une épave prise dans une tempête
Un reste de moi, une brisure flotte
Je ne suis pas morte
Le silence, le calme
Tu es parti, tu as quitté la chambre, j’entends l’eau que tu fais couler sur ta peau
Je découvre mon corps
Je l’examine, je l’autopsie
Les bleus qu’il faudra cacher
Les bleus qu’il faut continuellement cachés
Les lunettes noires
Les manches longues
Les pantalons
Les chaussettes
Ete comme hiver
Nuit après jour
Si je pouvais rendre les coups un par un
Les poings serrés dans des gants de boxe
Si je pouvais t’exploser le corps, si je pouvais y mettre une bombe
T’annihiler avec moi
Te réduire au néant
Avec moi
Que tout ceci finisse
Que la douleur s’arrête
Que les cris s’arrêtent
Avec moi
Disparaitre dans la mort
Si je pouvais
Nous nous accrochons l’un à l’autre
Nous avons tant besoin l’un de l’autre
L’un et l’autre
Dans ce besoin absolu
Le mal qui se nourrit de l’autre
La dépendance totale
Je ne peux te fuir
Je ne peux m’extraire
Je t’appartiens comme si j’étais ta chienne
Humiliée et fidèle
Les bouquets de fleurs et les bijoux des lendemains difficiles
Qui rendent l’espoir
L’embellie prochaine toujours passagère
L’embellie quand même
Sur les matchs
Où tout semble facile
Dans les tournées
Où tu me mènes
Dans les salles de concert
Où je vois briller ta baguette
Et les musiciens qui semblent à tes pieds
Nous te suivons tous
Je suis la chienne que tu emportes dans ta chambre
Qui a le droit de goûter à ton intimité
Qui a le droit de goûter à ton sexe
Qui a le privilège d’être à tes côtés
Je suis
Avec toi
Dans ce paradis là à l’arrière-goût d’enfer
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