Au père tranquille

Encore bien ordonnée, la salle à cette heure matinale. Le carrelage garde les traces d’un lavage à la serpillère douteuse et mal rincée. Certains endroits n’ont pas eu le temps de sécher. Un jet de parfum d’intérieur à la lavande tente de masquer l’odeur nauséabonde sans y parvenir.
Quatre murs au rouge éteint, dix tables carrées d’un simili bois d’une couleur rouille en rangée prises entre une banquette et une chaise. La banquette en moleskine marron cuivrée, enfoncée, aux ressorts détendus, est creusée par les dos, les derrières et les étreintes des amants - la tête dans le cou et les bras qui s’enserrent.

Le long de la baie vitrée sur le côté, encore quatre tables qui donneront l’avantage à leurs occupants de pouvoir surveiller la rue de près.

Un mur d’horloges hétéroclites renforce la sensation de ne pas être là pour longtemps comme dans un purgatoire où l’on ne fait que passer.

Le café a la façade terne et l’intérieur triste.

A la fin du jour, on allumera les bougies de couleurs vives enfermées dans des verres de cantine posées sur les tables. Des ombres viendront danser dans la presque pénombre. Elles provoqueront une légère note de gaieté.


Dans le miroir qui longe le mur de la banquette, comme tous les soirs, des regards se croiseront, se bousculeront, se chasseront et le teint livide deviendra un peu rose. Les paupières se baisseront pour éviter le reflet. Mais on ne pourra pas faire autrement que de lever à nouveau le visage vers le miroir sachant qu’il n’y a rien à regarder que des souvenirs.

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