rien ne s'oppose à la nuit

Il y a ce livre que je dévore et qui me dévore. Ses pages écrites pour moi. Je résiste à cette histoire, non ce n'est pas la mienne, ces mots miroirs.
Je résiste mais j'ai peur. Ma grand-mère qui m'a poussée dans l'écriture, son testament muet. Celui qu'elle n'a jamais pu prononcer. J'avais 12 ans, l'âge auquel elle a mis terme à sa vie. 12 ans, l'âge que j'avais quand j'ai écrit mon premier carnet.
J'ai écrit mon premier livre pour mettre une distance entre elle et moi. Ne pas sombrer un jour comme elle. Je croyais que le danger était écarté. Il faut croire que non, je n'avais pas creusé assez profond. Je leur avais laissé prendre ma place, le surmoi était trop fort. Dans ce livre, je n'ai rien dévoilé pour ne pas les trahir, pour les protéger encore une fois je me suis surexposée.
Pourtant il faudra bien que je m'y colle.
Pas mon histoire, la guerre, les massacres, la famine, les tortures, l'exil, la folie qui en résulte.
J'écrirai un livre pour m'en défaire. Je l'écrirai avec les détails sombres et scabreux, ceux que j'ignore encore. Je fouillerai dans les malles. J'en sortirai ce qu'il faut en sortir, je sortirai de mon corps, ce qui ne m'appartient pas. Je ne suis pas eux. Je ne porterai plus leurs vies comme autant de poids morts qui m'enterrent toute vivante.

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